- NOK (CULTURE DE)
- NOK (CULTURE DE)Nok, village situé au nord du confluent du Niger et de la Bénoué dans le Nigeria central, a donné son nom à une culture préhistorique de première importance dans le développement de la statuaire africaine.Pour l’archéologue et historien de l’art Frank Willett, «il est difficile de ne pas croire que la culture de Nok, comme nous la connaissons, représente la souche ancestrale dont provient, pour une grande part, la tradition sculpturale de l’Ouest africain». Pour ce spécialiste, il est même possible que des échos du style de Nok se retrouvent dans les sculptures des Baga (Guinée), des Senufo (Côte-d’Ivoire), des Bembe (Zaïre) et des Tshokwe (Angola et Zaïre).Caractéristiques et influencesLa culture de Nok fut identifiée en 1943 par l’archéologue Bernard Fagg: selon l’usage, il lui donna le nom du premier site connu. Les découvertes, faites souvent par des ouvriers et ingénieurs, travaillant dans des mines d’étain, proviennent d’une vingtaine de sites répartis dans une vaste aire qui, d’est en ouest, s’étend sur plus de cinq cents kilomètres. À Jos, au nord-est de cette région, la compagnie minière a édifié un musée qui abrite la plupart des pièces exhumées dans les dépôts alluviaux exploités pour leur contenu en étain.C’est une statuaire en terre cuite qui a été mise au jour: têtes très proches de la grandeur nature qui semblent toutes avoir appartenu à des statues représentant le corps humain.Elles sont lissées soigneusement; le dégraissant, fait de pierre broyée, n’apparaît que là où la surface a été usée. Il existe aussi quelques figurines animales, notamment d’éléphants et de singes. La forme de ces statues est loin d’être identique. Cependant il y a un style nok. Il est fait de stylisations constantes de certains traits et d’un mode de représentation. Sont stylisés les yeux et la bouche: pupilles rondes et percées, yeux inscrits dans un triangle inversé (dont la base, constituée par le sourcil, est en haut), lèvres entrouvertes. Le mode de représentation est semi-naturaliste; il se situe entre le conceptualisme (par exemple celui de la statuaire bambara) et le naturalisme idéalisé d’Ifé. La forme de la tête varie: elle peut être inscrite dans une sphère, un cône, ou un cylindre.Willet croit pouvoir discerner dans les formes nok l’influence encore proche de la sculpture sur bois, bien plus répandue en Afrique que la statuaire en terre cuite. Certains visages révèlent dans quelques détails des procédés plus appropriés au travail du bois qu’à celui de l’argile humide. La forme cylindrique assez fréquente dans les pièces nok rappelle une des limitations imposées par la forme naturelle du tronc d’arbre ou de la branche. Dans d’autres pièces, on peut percevoir la libération des formes rendue possible par le modelage: asymétrie dans la position d’un corps, souplesse du geste, douceur des courbes féminines.Le style de Nok paraît plus «africain» que celui des têtes en bronze ou en céramique d’Ifé. Mais certaines importantes similarités entre Nok et Ifé permettent justement de mieux comprendre la place d’Ifé dans la tradition africaine. Un examen attentif révèle des ressemblances de détails (une profusion ornementale de colliers et de bracelets en perles, la stylisation des pieds, un intérêt pour les difformités résultant de maladies qui peuvent être médicalement diagnostiquées) qu’il ne paraît pas raisonnable d’attribuer au hasard. Même le naturalisme d’Ifé n’était pas inconnu des modeleurs nok, ni au-delà de leur compétence; ils le réservaient aux représentations animales pour des raisons qui nous échappent, magiques peut-être. Après Ifé, des formes caractéristiques nok se retrouvent dans les bronzes du Bénin et même dans l’art contemporain des Yoruba (par exemple, les masques gelede ). Ces influences de la culture nok indiquent son rôle primordial dans la continuité artistique nigériane.Le problème de la datationIl n’y aurait là rien de surprenant si la culture nok n’était séparée des sculptures yoruba par vingt-deux ou vingt-trois siècles, et de la période classique d’Ifé (XIIIe et XIVe siècles apr. J.-C.) par une bonne quinzaine de siècles. La question de la datation de la culture nok est donc capitale. Bernard Fagg estime que cette culture a dû se développer pendant la seconde moitié du premier millénaire avant J.-C. et persister au moins jusqu’au second siècle de notre ère. Cette interprétation repose sur des datations au carbone 14 confirmées par des faits géologiques. La plupart des pièces ont été trouvées dans les alluvions de rivières qui remontent à la dernière phase humide, dite «nakurienne», dont les traces ont été déposées, du Nigeria au Kenya, pendant une période s’étendant de 500 avant notre ère à 200 après. D’autre part, trois datations au carbone 14 indiquent 440, 300 et 280 avant J.-C. comme étant les dates les plus probables de trois niveaux du site de Taruga où de nombreux fragments de figurines nok ont été mis au jour en 1960.Dans les sites alluviaux antérieurement exploités, les céramiques nok étaient associées, d’une part, à des pièces néolithiques (haches et houes en pierre polie, pointes de flèche en pierre taillée, grains d’enfilage en quartz) et, d’autre part, à des traces d’industrie du fer (scories, fragments de tuyères) et à des ornements d’étain. On pensait donc que la culture de Nok était principalement néolithique avec une métallurgie naissante subsidiaire. Il n’était pas possible de distinguer les deux périodes car les alluvions des rivières mélangent les traces du passé.La fouille de Taruga a modifié ces conclusions. Dans ce site d’occupation qui ne fut pas perturbé par le passage de l’eau, une dizaine de fourneaux destinés à la fonte du minerai de fer ont été retrouvés in situ . Parmi les fragments de figurine, on a pu reconstituer les bras d’une statuette qui devait avoir 90 centimètres de haut. La poterie domestique est abondante; elle comporte notamment des bols et des pots décorés, et de curieuses râpes en terre cuite. On n’a exhumé à Taruga aucun matériel néolithique. À moins qu’un autre site d’occupation ne livre un matériel néolithique qui lui soit associé, la culture de Nok peut être considérée comme appartenant exclusivement à l’âge du fer.Les hommes de Nok connaissaient les techniques de fabrication des outils de fer; ils étaient, selon d’autres indices, vraisemblablement agriculteurs. Tout comme les peuples parlant des langues bantoues qui, vers la même époque, quittèrent une région fort voisine de l’aire nok (le plateau du Bauchi) pour commencer leurs lentes migrations vers le sud et l’est. Bien sûr il ne s’agit que d’une reconstruction hypothétique sur la base d’analyses linguistiques. Mais il est tentant de la compléter: si les émigrants étaient aussi des hommes de Nok, les multiples traditions sculpturales de l’Afrique noire pourraient avoir une commune origine.
Encyclopédie Universelle. 2012.